En 2010, la France interdit la dissimulation du visage dans l’espace public, tout en maintenant la liberté de porter un foulard dans la rue. Cette distinction, souvent mal comprise, alimente les débats et façonne les perceptions.
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Le foulard en France : entre tradition et modernité
Impossible de parler du foulard sans évoquer ce qu’il représente, au fil des décennies, sur le territoire français. Sur les quais de Lyon, la soie s’est tissée dans les ateliers, avant de gagner les vitrines de la capitale. Très vite, le carré Hermès s’est imposé comme un objet convoité, transmis, réinterprété. Dior s’en empare, Chanel le sublime, tandis que les créateurs d’aujourd’hui cherchent à l’ancrer dans une mode plus responsable, en valorisant les artisans d’ici.
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Le foulard, sur les épaules des Françaises, n’est pas qu’un simple accessoire contre le froid. C’est une déclaration. On le retrouve dans les clichés de Brigitte Bardot sur la plage, dans la capote de Jackie Kennedy, derrière les lunettes d’Audrey Hepburn, ou dans la gestuelle élégante de Grace Kelly. Le foulard convoque le glamour, la nostalgie et ce raffinement qui traverse les générations.
En France, les femmes réécrivent les codes du port du foulard. Il sublime une nuque, protège d’une brise, revendique une appartenance, révèle un goût. Mais avec le temps, les usages se diversifient : le foulard islamique, en particulier chez les jeunes filles, fait entrer dans l’espace public la question des signes religieux, de l’identité, et ouvre la porte à la controverse.
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Voici quelques-unes des raisons, parfois opposées, qui expliquent le port du foulard aujourd’hui :
- Accessoire de mode pour certaines,
- Symbole religieux pour d’autres,
- Pièce manifeste pour les créateurs.
Le paysage français reste ce terrain d’expérimentation où le foulard change de rôle, de fonction, provoque l’attention. Il porte la trace de l’histoire, du savoir-faire lyonnais, de la haute couture, mais aussi des nouveaux questionnements identitaires. Du passé à l’actuel, le foulard ne cesse de se réinventer.
Que raconte l’histoire du foulard sur la société française ?
Le foulard a longtemps marqué la position sociale. Au XIXe siècle, il est l’apanage des paysannes sur les routes rurales, puis se fait plus sophistiqué dans les salons citadins. Les femmes françaises, d’horizons variés, adoptent le carré, le bandana, la soie, la laine ou le coton, chacun y projetant ses propres repères et son appartenance.
La République s’en empare à son tour. Marianne s’affiche parfois foulardée sur les affiches ou dans les manuels scolaires, symbole de liberté ou de résistance. Dans les années 1970, les mouvements féministes et les hippies détournent le foulard des conventions, en font un manifeste, un cri d’émancipation, un geste de refus des normes dominantes. L’accessoire devient alors le reflet d’une identité plurielle, mouvante, empreinte de revendications.
Puis la question des signes religieux et du principe de laïcité s’impose. Que signifie, en France, le port d’un foulard affichant une appartenance religieuse ? La commission Stasi, sous la direction de Bernard Stasi en 2003, s’invite dans tous les débats, de la sphère familiale à la salle de classe. Elisabeth Badinter prend position, la société se divise, les médias s’enflamment.
Voici comment le foulard, perçu différemment selon les points de vue, révèle les tensions françaises :
- Pour certains, le foulard reste un vêtement.
- Pour d’autres, il devient signe, étendard, revendication.
Les discussions autour du port de signes religieux ou du port du voile prennent de l’ampleur au fur et à mesure que la laïcité se consolide. Ce simple morceau de tissu, parfois vu comme un accessoire, parfois comme un emblème, devient alors le miroir d’une société française parcourue par ses contradictions, ses débats et ses interrogations collectives.
Débats, symboles et enjeux autour du port du foulard aujourd’hui
Le foulard islamique, hijab, niqab, burqa, jilbeb, abaya, occupe désormais une place centrale dans les discussions sur la laïcité. À l’Assemblée nationale, dans les écoles, sur les écrans, le port du foulard par les femmes musulmanes déclenche des prises de position passionnées. Depuis l’affaire de Creil en 1989 et la commission Stasi, les lois se succèdent : celle du 15 mars 2004 interdit les signes religieux à l’école, celle du 11 octobre 2010 bannit le voile intégral dans l’espace public.
Dans l’enceinte scolaire, la règle ne souffre aucune exception : ni hijab, ni croix imposante, ni kippa ne franchissent le seuil des établissements. Cette application rigoureuse du principe de laïcité entend garantir la neutralité, mais elle laisse parfois un sentiment d’exclusion chez certaines élèves, mises à l’écart du système public.
Les questions affluent chez les juges : conseil d’État, conseils de prud’hommes, crèche Baby Loup, entreprises, administrations. Entre exigence républicaine et défense de l’égalité hommes-femmes, la société cherche son équilibre, avec l’assimilation culturelle et la diversité en toile de fond.
Des intellectuels comme Henri Pena Ruiz ou Pierre Tevanian s’opposent sur le terrain des idées. Jacques Chirac, Jack Lang, Charlie Hebdo, Le Monde : chacun apporte sa voix, publie son analyse, fait entendre sa vision. Le foulard s’expose, s’argumente, s’approprie. Symbole, rempart, provocation, exclusion ou émancipation : ce tissu divise, mais il rassemble aussi, il interroge sans relâche.
Pour aller plus loin : ressources et pistes pour mieux comprendre
Le foulard n’est jamais réduit à sa simple étoffe. Tout un réseau d’acteurs, de textes et d’associations éclaire la complexité de son histoire en France. La loi du 15 mars 2004, qui interdit les signes religieux à l’école, a déclenché d’interminables débats entre partisans de la laïcité et défenseurs des libertés individuelles. Celle du 11 octobre 2010, interdisant le voile intégral dans l’espace public, continue d’alimenter les conversations, de Paris à Téhéran.
Les avis divergent, les témoignages s’entrecroisent. Le conseil d’État publie régulièrement des rapports pour clarifier la laïcité, tandis que la commission Stasi demeure un repère dans la mémoire collective, avec ses auditions et ses recommandations. À Lyon, le CRCM Rhône-Alpes tente de jouer l’apaisement, quand l’UOIF (désormais Musulmans de France) défend la liberté d’expression religieuse. Sur le terrain de la mode, Venus & Gaia réhabilite le foulard comme accessoire, bien loin des joutes idéologiques, et mise sur la durabilité et le style.
Pour mieux cerner la diversité des enjeux, voici quelques pistes à explorer :
- Pour explorer la jurisprudence : rapports et décisions du conseil d’État sur les signes religieux.
- Pour saisir les enjeux : archives des débats parlementaires sur les lois de 2004 et 2010.
- Pour ouvrir le champ : comparaisons avec le port du foulard islamique en Europe, en Iran, à Gaza.
- Pour l’approche associative : ressources de l’AEIF ou interventions du CRCM Rhône-Alpes.
Dans le sillage du foulard, on décèle des histoires, des choix, des luttes. Derrière chaque motif, une trajectoire singulière, une société qui questionne sans fin la part visible et invisible de ses tissus.